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“Je ne cherche pas à choquer ceux qui croient. Je ne cherche qu’à toucher ceux qui voient. » Soasig Chamaillard porte sur ses mains les traces de peinture de sa dernière création. « Vous voulez la voir ? »

Le parquet craque sous nos pas, nous la suivons dans son atelier. Par la fenêtre, les clochers des églises Sainte-Croix et Saint-Similien nous interpellent. Une belle toile de fond pour ce que nous venons découvrir : une statue de vierge ailée. « En êtes-vous certains, des ailes ? » En approchant, ce qui nous apparaissait comme des ailes, vue de face, se révèlent être les nageoires de la queue d’une sirène. Une apparition surprenante et à la fois évidente : Soasig Chamaillard détourne les Saintes Vierges. C’est une image à laquelle elle n’aurait jamais touchée si son père, un jour, ne lui avait pas offert une petite vierge au pied cassé, chinée en brocante. Elles se sont regardées pendant toute une année, jusqu’à ce que Soasig décide de la réparer : « Il est clair et évident que je n’étais pas le sculpteur d’origine, il y avait trop de différence entre le pied droit et celui de gauche, une transformation l’avait entamée, plus jamais on ne pourrait revenir en arrière. »

Little Mary arbore un corps de poney, Sioux Mary est une Indienne, Sainte Miss, une reine de beauté…

Le processus enclenché, pourquoi ne pas se ré-approprier cette vierge complètement ? La première vierge réinterprétée a donc vu le jour en 2006. Sur son voile un tissu de geisha est posé, témoin d’une époque japonaise pour l’artiste. Le message est fort, frappant. C’est ainsi que d’autres statues abîmées provenant de brocantes ou de dons ont vu leur histoire se réécrire. « C’est un moyen pour moi de parler de la femme dans notre société, de s’interroger sur sa place. », défend l’artiste.

De transformations physiques en combinaisons improbables, les Saintes croisent d’autres univers : Little Mary arbore un corps de poney, Sioux Mary est une indienne, Sainte Miss, une reine de beauté tandis que Super Marie O, en rouge et bleu, porte la moustache du héros Mario Bros.

Dans l’atelier, des dizaines d’autres statues attendent leur seconde vie. On y décèle des saints masculins, que l’artiste honore en leur donnant de nouvelles têtes, celles de peluches. Soasig nous confie : « C’est peut être ma façon d’apprivoiser l’image de l’homme ». Comme une pause dans un chemin mystique, les Vierges de Soasig semblent une dérision qui rapproche le sacré de la réalité.

Gina + Damien

Photos : Soasig Chamaillard