
Comment j’ai trouvé ma voie par l’échec

J’avais une place de choix sur l’échiquier scolaire : celle de l’élève modèle. Et ce, bien malgré moi. Enfin, ce n’était pas ma quête. Mais il faut dire que mes parents m’avaient offert un écrin parfait pour m’épanouir intellectuellement. Ma mère m’avait initiée à l’anglais grâce à une méthode révolutionnaire à l’époque. Ne rigolez pas, c’était la méthode Mickey, le fameux. Livret en main, je passais la petite cassette audio qui encadrait chaque leçon. Sa mélodie résonne encore aujourd’hui comme une madeleine de Proust sonore. On peut dire que ça a fonctionné !
En français, c’était le festival des dictées. Ma mère, dactylo virtuose et fervente disciple du Bled, me nourrissait de subtilités grammaticales comme d’autres enfants recevaient des bonbons. J’ai ingurgité des règles d’accord comme on avale sa soupe, parfois avec enthousiasme, souvent par nécessité.
Les mathématiques, en revanche, représentaient ma première zone d’ombre. Ma mère les détestait, et mon père, pourtant enseignant à la base, se heurtait à ce mystérieux phénomène qui empêche parfois les parents de transmettre leur savoir à leur propre progéniture. Ce n’est qu’aujourd’hui que je comprends : nous souffrons probablement du même syndrome pédagogique familial défaillant.
J'AI RAMÉ, J'AI TRANSPIRÉ
J'AI RATTRAPÉ
Et puis la sixième. Bam. Premier échec.
Après un CM2 chaotique avec un enseignant qui s’était avéré plus qu’incompétent. Nous étions tous arrivés au collège sans avoir les bases nécessaires en mathématiques. Les mathématiques sont devenues mon premier écueil, ma première confrontation avec cette sensation étrange : ne pas comprendre malgré tous mes efforts.
J’ai ramé, j’ai transpiré, j’ai rattrapé. Et puis tout est rentré dans l’ordre… jusqu’au lycée. La première scientifique, ce choix qui n’en était pas vraiment un, m’a précipitée dans une forme de confusion. Mes parents voyaient évidemment cette filière comme un passeport pour l’avenir. Mais la réalité était tout autre : je me noyais dans un océan d’équations incompréhensibles.
Pendant que je tentais désespérément de donner du sens aux fractales et aux dérivées, je m’épanouissais en langues, en philosophie, en littérature. La biologie, particulièrement la génétique, me parlait, car elle me ramenait à quelque chose de tangible, d’humain. Les mathématiques restaient un langage étranger dont je ne saisissais pas la grammaire fondamentale.
Mes professeurs de mathématiques, dont certains entretenaient une relation plus qu’amicale avec l’alcool (faits avérés, malheureusement), ne m’étaient d’aucun secours. Ils étaient là pour ceux qui savaient déjà. Pour les autres : néant pédagogique.
L'EXAMEN D'ANGLAIS, SIMPLISSIME, S'EST TRANSFORMÉ EN TRAGICOMÉDIE
Le baccalauréat s’est profilé comme l’Everest devant un alpiniste amateur. J’ai élaboré une stratégie de survie : exceller dans les matières secondaires pour compenser mes faiblesses dans les matières scientifiques aux coefficients monstrueux. Une tactique qui aurait pu fonctionner si…
L’examen d’anglais, simplissime, s’est transformé en tragicomédie. Je suis sortie la tête haute, convaincue d’avoir brillé, jusqu’à cette conversation qui a fait basculer mon monde :
- “Tu as choisi le sujet A ou le sujet B en anglais ?”
- “Comment ça ?”
- “Tu as traité quel sujet ???”
- “Ben, les deux, il n’y avait pas de choix à faire”
Imaginez la scène : tous nos bacs blancs comportaient un choix de sujets. Mais pas le vrai bac. Mon cerveau, formaté, n’a pas cru bon lire l’énoncé. Grosseeee catastrophe. Je n’avais traité que la moitié de ce qui était demandé. Quelques minutes plus tard, après avoir compris le fiasco, j’étais chez moi où j’ai failli m’évanouir tellement ma bêtise me déconcertait. Une erreur monumentale qui allait réduire de moitié ma note d’anglais, celle sur laquelle je comptais le plus.
“Ce qui s’est passé ce jour-là ? Un prof de physique et un prof de maths m’ont offert des ailes pour aller, moi aussi, brûler ces satanées copies…”
Résultat global ? Échec aux maths. Je n’ai pas eu la moyenne au bac. J’ai dû le passer au rattrapage. Alors que mes amis brulaient leurs copies et leurs cours de lycée dans un feu de camp festif, je révisais à nouveau, la gorge nouée.
Le jour du rattrapage, je ne me suis pas laissée impressionner par les maths. En physique, ce fut une autre histoire. Je bloquais. Le prof m’a alors demandé :
- “Quel est votre projet ? Vers quelles études vous dirigez-vous ?”
- “Je veux être prof d’anglais. J’ai été admise en prépa lettres”.
Il m’a regardé, il a souri. Je m’en souviens comme si c’était hier. Et puis il m’a dit :
- “Vous irez en prépa lettres”.
Ce qui s’est passé ce jour-là ? Un prof de physique et un prof de maths m’ont offert des ailes pour aller, moi aussi, brûler ces satanées copies sur le sable encore chaud de la plage et de crier : ‘’l’école est finie !’’. À 40 ans, il m’arrive encore de rêver de mon bac de maths et de physique, de me réveiller soulagée. Je l’ai.
CREUSEZ ENCORE, VOUS N'AVEZ PAS TOUCHÉ LE FOND
La prépa littéraire a été une révélation. Nous étions plus d’une cinquantaine au départ et moins de quarante à la fin de la première semaine. J’appartenais à cette joyeuse résistance. Mes moyennes oscillaient entre 6 et 8, et c’était parfaitement acceptable ! L’internat aux douches glaciales, les études jusqu’à 23h, les devoirs sur table du mercredi où ma transpiration menaçait constamment de transformer mes copies en œuvres d’art abstrait, sous la chaleur ardente de la tôle de cette salle d’examen.
Cette année nous a forgés. On nous appelait par nos noms de famille, on nous répétait que nous devions passer du “ventre mou” à “l’élite de la société”. J’en ris encore, car c’est avec beaucoup de dérision que nous recevions ces remarques.. Nos jeux préférés ? Comparer les commentaires cinglants sur nos copies. J’ai décroché un jour cette perle : “Creusez encore, vous n’avez pas touché le fond”.
Cette prépa portait magnifiquement son nom : elle m’a préparée non seulement aux études supérieures, mais à la vie. J’y ai appris la saveur particulière de l’effort (acharné), cette alchimie mystérieuse qui transforme la souffrance en accomplissement, l’amour d’apprendre tout simplement.
Le coup de grâce ? L’échec à ma licence…
La suite a pris des allures de montagnes russes. Admise en licence d’anglais-espagnol à l’Université de Nantes, j’ai quitté mon île pour plonger dans un univers radicalement différent. L’anonymat des amphithéâtres de 300 personnes après l’intensité de la prépa m’a désarçonnée. J’ai passé deux années à me demander ce qu’on attendait de moi, perdue dans les méandres administratifs de l’université.
J’ai tenté de reprendre le contrôle en partant un an à Londres et Cambridge, jonglant entre mes leçons d’anglais, mes études de cinéma, un poste de fille au pair et des nuits comme barmaid. Mais cette histoire mérite son propre épisode.
Le coup de grâce ? L’échec à ma licence pour une seule note sous la moyenne, malgré une moyenne générale largement suffisante. J’étais donc allée voir mon professeur pour échanger sur ce résultat et lui exposer mon cas. Car, il était possible de faire réviser sa note. Il n’a rien voulu savoir et m’a donné rendez-vous l’année prochaine. Le système, dans toute sa rigidité bureaucratique, m’a condamnée à une année supplémentaire pour quelques heures de cours par semaine.
Pendant une année, sur toutes ces heures creuses, j’ai enchaîné les petits boulots d’hôtesse d’accueil pour différents événements et au Zenith de Nantes, de secrétaire pour des agences immobilières et de grosses entreprises du coin. J’ai gagné ma vie en attendant…. je ne savais plus quoi, d’ailleurs. Mon rêve de devenir professeur d’anglais s’est évaporé face à un CAPES qui me semblait aussi accessible que la Lune. J’avais abandonné cette ambition et je n’en avais pas d’autres.
UNE RÉVÉLATION INEXPLICABLE MAIS PUISSANTE
Puis le miracle s’est produit un jour de printemps, à la gare de Nantes. Sur le quai, une conversation captée au vol sur un poste en communication à l’école de Design. Ce mot, “communication”, a résonné en moi comme un appel mystérieux. Une révélation inexplicable mais puissante. Je me suis alors sérieusement penchée sur le secteur. J’ai découvert les cursus, les écoles nantaises de communication et marketing. J’avais (enfin) une nouvelle ambition : intégrer une de ces écoles. Encore, fallait-il passer les concours d’entrée et les entretiens de motivation. Je devais mettre toutes les chances de mon côté ! Je n’y connaissais strictement rien en communication. J’ai dévoré le Publicitor, the manuel de la publicité, comme d’autres lisent des romans passionnants. Finalement admise à Sciences Com’ et à l’ISEG, j’ai choisi cette dernière.
Ces deux années d’études en Master ont été les plus fluides de ma vie. Comme si j’avais enfin trouvé ma fréquence, mon langage, mon univers. Major de promotion sans l’avoir cherché, je suis devenue freelance avant même d’avoir mon diplôme en main.
”Nos échecs ne nous définissent pas,
c’est notre façon de les transformer
qui forge notre identité.”
Ce parcours sinueux, jalonné d’échecs et de désillusions, m’a finalement conduite exactement où je devais être. Ces détours n’étaient pas des erreurs, mais des redirections nécessaires vers mon chemin véritable.
L’échec, ce spectre que j’ai tant redouté, s’est révélé être mon mentor le plus précieux. Il m’a enseigné la résilience, l’adaptabilité et m’a poussée à explorer des territoires que je n’aurais jamais envisagés autrement.
Aujourd’hui, quand je pense à cette jeune fille effondrée sur sa copie du bac, j’aimerais lui sourire avec tendresse. Si je pouvais lui parler à travers le temps, je lui dirais : “Ne t’inquiète pas. Ces moments qui te semblent être des fins sont en réalité des commencements. Chaque porte qui se ferme t’oblige à chercher une fenêtre, et c’est dans cette quête que réside la magie de la vie.”
C’est peut-être là la leçon la plus précieuse de mon parcours : nos échecs ne nous définissent pas, c’est notre façon de les transformer qui forge notre identité. Ils ne sont jamais des points finaux, mais des virgules dans la phrase complexe et magnifique de notre existence.
LES POUVOIRS DE L'ÉCHEC ?
Pssst : Si vous souhaitez creuser le sujet, retrouvez-moi dans le roman graphique “Les Pouvoirs de l’échec” au sein duquel vous pourrez découvrir des parcours inspirants de personnalités plus ou moins connues qui ont toutes connus l’échec…et le rebond ! J’interviens comme experte au sein de ces pages pour vous éclairer sur les différents processus qui nous mènent à faire de nos échecs des tremplins. Les Pouvoirs de l’échec est disponible dans toutes les bonnes librairies 🙂
Merci de m’avoir lue.
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À très vite pour une nouvelle histoire.
❤️ Gina

BOUM BOUM, c’est la true story de mon parcours.
Un flot d’histoires, dans des formats libres, pour explorer ensemble le thème de la construction identitaire à travers le prisme de l’entrepreneuriat créatif. Quand nos expériences persos résonnent dans nos choix pros, ça fait boum boum. Histoires à suivre.